12 ans de guerre en Syrie: comment l’explosion d’une grenade a chamboulé la vie d’Azzam

Jürg Keim
Jürg Keim

Après douze ans de guerre, la Syrie est pour une grande part en ruines. La violence reprend sans cesse dans le pays et la fin de la guerre civile n’est pas en vue. Ce sont les enfants qui en souffrent le plus. Des milliers de filles et de garçons ont été tués au cours de la guerre lors des frappes et ils sont encore bien plus nombreux à avoir été blessés. Comme Azzam, dont nous vous racontons ici l’histoire.

© UNICEF/UN060313
Azzam, 12 ans, fait un exercice avec l’aide de son enseignante, Abir, durant la leçon d’arabe, 21 février 2022.

Awad et sa famille ont enduré dans leur chair, c’est le cas de le dire, les effets dévastateurs du conflit. En 2015, une grenade a percuté le bâtiment dans lequel se trouvaient alors Awad, 35 ans, et ses deux enfants Azzam, 5 ans et Rakan, 4 ans. Sa femme Manal s’est dépêchée de rentrer pour voir ce qui s’était passé. «J’ai couru comme une folle et j’ai vu que ma petite Rakan avait perdu la vie. Mon mari était conscient mais gravement blessé. Et Azzam est sorti des décombres, couvert de sang et de poussière. C’était un vrai cauchemar», raconte-t-elle. Manal a emporté Azzam pour aller cherche du secours quand elle s’est rendu compte soudain que quelque chose manquait. Azzam avait perdu une jambe. Azzam et son père ont été transportés dans un hôpital. Cet événement tragique a eu pour conséquence une paralysie de la jambe droite du père; quant à Azzam, il a subi plusieurs opérations. «Azzam s’est senti longtemps très désécurisé après l’événement. Il pleurait chaque fois qu’il voyait une goutte de sang ou qu’il entendait un bruit fort», dit Manal. 

© UNICEF/UN0603137
Azzam, entouré de ses sœurs Sidra, 14 ans, Nour, 11 ans, et Khadijeh, 1 an, devant leur maison à Nashabieh dans la Ghouta orientale, la zone rurale proche de Damas, en Syrie, le 21 février 2022.

Azzam partage son sort avec des milliers d’autres enfants syriens qui ont subi, au cours de leurs jeunes années, des dommages et des souffrances comparables durant les 12 années écoulées. Depuis le début de la guerre en 2011, au moins 13 000 enfants ont été tués ou gravement blessés en Syrie par la guerre impitoyable. Les mines antipersonnel et les restes explosifs de guerre sont les causes principales des décès ou des blessures graves parmi les enfants. Selon les estimations, une localité sur trois en Syrie serait contaminée par des engins non explosés. Beaucoup de filles et de garçons en gardent des infirmités à vie. Il est donc essentiel de sensibiliser la population aux dangers. Actuellement, 6 millions d’enfants ont besoin de prestations visant à les protéger. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance a informé en Syrie, rien que depuis 2021, plus de 1,1 million d’enfants ainsi que plus de 200 000 parents et personnes en charge d’enfants sur les dangers des engins explosifs. En outre, 11 350 enfants touchés par des handicaps physiques graves ont reçu de l’UNICEF un soutien régulier trimestriel en espèces par le biais d’un programme de protection sociale. 

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Azzam étudie à la maison à Nashabieh, dans la Ghouta orientale.

L’état psychique d’Azzam était préoccupant après ce terrible événement. Afin de l’aider le mieux possible, lui et ses frères et sœurs et de lui permettre de retrouver un semblant de normalité, ses parents l’ont inscrit à l’école après leur retour dans leur ville d’origine, Nashabieh, dans la Ghouta orientale. « Mais Azzam avait du mal à aller tous les jours à l’école. Les simples bâtons de bois qu’il utilisait à la place de véritables béquilles ne lui assuraient pas une aide suffisante», explique Manal. «Il a donc cessé d’aller à l’école».

En Syrie, 2,4 millions d’enfants ne vont pas à l’école, selon les estimations. 1,6 million d’enfants risquent en outre l’abandon scolaire. Les raisons de cette situation sont multiples: 90% des familles en Syrie vivent dans la pauvreté, ce qui a entraîné en particulier une hausse nette des mariages précoces. En outre, les écoles endommagées ou détruites ainsi que les salles de classe surchargées sont d’autres raisons qui expliquent l’abandon scolaire, tout comme la pénurie de manuels scolaires, de matériel pour écrire, d’outils d’enseignement ou encore la formation insuffisante du personnel enseignant. Des enseignants se trouvent en outre contraints de quitter leur profession car leurs salaires ne suffisent plus à couvrir les besoins essentiels de leurs familles. 

Il faut noter aussi que les dépenses pour la formation ont fortement reculé: les moyens accordés par le gouvernement syrien à la formation ont diminué réellement de 78 pour cent en comparaison de 2011. Rien qu’entre 2021 et 2022, les moyens ont été réduits de 15 pour cent. Conséquence: seuls deux tiers de toutes les écoles en Syrie peuvent assurer un enseignement sans restrictions. Les 3 millions d’enfants déplacés sur le territoire par la guerre civile contribuent aussi à expliquer pourquoi 2,4 millions d’enfants ne fréquentent aucune école. L’UNICEF a soutenu l’an dernier plus de 1,6 million d’enfants en leur offrant des possibilités d’apprentissage; parmi eux, 12 000 filles et garçons souffraient de handicaps.

© UNICEF/UN0603138/Belal
Azzam tient une petite chèvre qui vient de naître dans le troupeau de la famille.

Tout juste quatre ans après le terrible événement, les choses ont commencé de s’améliorer en 2019 pour Azzam. Il fréquentait l’école primaire Al-Nashabieh Al-Mohdatheh, une école rénovée et équipée par l’UNICEF, afin de favoriser l’inclusion d’enfants handicapés. Azzam et ses sœurs Sidra et Nour n’ont pas raté une journée d’école depuis lors. «Je suis content de pouvoir aller à l’école, de passer des bons moments avec mes amis et d’apprendre de nouvelles choses», confirme Azzam.

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Azzam joue avec ses amis durant la leçon de sport dans la cour de l’école Al-Nashabieh Al-Mohdatheh à Nashabieh.

Pour 2023, l’UNICEF a comme objectif d’équiper de matériel d’apprentissage 2,25 millions d’enfants en Syrie et de leur procurer une éducation formelle. En outre, un demi-million d’enfants devraient pouvoir bénéficier d’une éducation non formelle. Cela signifie que ces derniers auront l’opportunité d’acquérir des compétences sociales, utiles dans la vie courante, dans le cadre de projets en dehors des filières scolaires structurées et réglementées, en particulier lors d’activités sportives et d’activités bénévoles. 44 000 enseignants et enseignantes ainsi que des éducateurs et des éducatrices devraient être formés cette année par l’UNICEF.